Non ma belle, tu n'es pas une consommatrice avertie.

Mon titre est un peu racoleur, mais je l'ai choisi à cause d'un commentaire que j'ai lu récemment et qui j'avoue, m'a fait littéralement tomber des nues. De mémoire, la lectrice disait qu'à l'inverse de la plupart des gens qui achètent n'importe quoi, en tant que consommatrice avertie, elle n'achetait jamais de produits cosmétiques en grande surface parce que c'était de la m****. Soit.
Ce n'est pas le premier commentaire du genre que je vois, et même en faisant des efforts, je ne comprends pas. En effet, entre les médias et les miriades de blogs beauté qui existent, je crois qu'il y a de quoi s'informer suffisamment pour se faire une réelle opinion au-delà de l'idée reçue selon laquelle le prix et la marque seraient des critères absolus de qualité.

Vous aurez donc compris qu'aujourd'hui on va parler de la relation entre le prix, la marque et la qualité dans le monde de la beauté. Et pour cela on va aller voir ce qu'il y a de l'autre côté du rideau.

J'ai essayé de simplifer au maximum pour permettre à tous et à toutes de se faire facilement sa propre opinion, donc désolée pour les puristes qui trouveront que ce post est parfois approximatif : on est pas là pour prendre un cours de gestion ni un cours de stratégie ;-) Mais s'il y a des oublis importants, comme d'habitude, je suis tout ouïe et je serai ravie de les lire dans vos commentaires : je ne suis pas une experte, je partage juste mon avis. (Pour ressituer, j'ai eu une première expérience dans le monde de la beauté, j'ai choisi le marketing et la communication comme voie professionnelle, je suis fan de cosmétiques et enfin je suis accro à l'information que ce soit via les médias traditionnels ou via les blogs par ex.)

* je n'ai volontairement pas abordé la question des composants controversés, cela fera peut-être l'objet d'un autre post.

YSL, Vinyl Candy Palette*Guerlain, Le Rouge G*


1. Qu'est-ce qui se cache derrière le prix d'un produit (une crème de soin par exemple) ?

Le prix est la somme que le consommateur est prêt à payer pour obtenir un produit/service.

Pour fixer le prix de sa crème, l'entreprise doit prendre en compte :
  • son coût de revient c'est à dire combien cela coûte de la développer et de la commercialiser : recherche et développement, coût des matières premières, processus de production, marketing et communication (packaging, identité visuelle, publicité, promotion des ventes, merchandising, choix du réseau de distribution, formation des vendeurs, etc...)...
  • sa marge : combien elle veut gagner d'argent sur chaque pot de crème
  • la concurrence : quelles autres marques proposent ce genre de crème et à quel prix
  • quel prix les clients sont-ils prêts à payer pour notre crème : si le prix est trop bas, elle semblera être de mauvaise qualité (même si ce n'est pas le cas), et si le prix est trop élévé par rapport à l'image de notre marque, le client risque d'aller à la concurrence (si Sephora vendait sous sa propre marque une crème de soin à 60€ le pot, pour le même prix les clients achèteraient une crème Guerlain par exemple).

Sephora, look Printemps 2012*

2. Comment et pourquoi crée-t-on un "nouveau" produit ?

L'univers des cosmétiques est un secteur hyper concurrentiel : il y a beaucoup de marques et chacune propose en général plusieurs gammes qui répondent à différents besoins (vieillissement, peaux jeunes, premières rides, peaux sèches, déshydratées, sensibles, etc...). Les clients sont donc hyper sollicités et recherchent en permance des nouveautés pour obtenir davantage d'efficacité ou juste pour changer (le principe des nouveaux looks maquillage à chaque saison). Pour rester dans la course, il faut donc multiplier les lancements. Selon le site de la Commission Européenne, la durée de vie d'un produit cosmétique est de 5 ans, et chaque année les fabricants reformulent environ 25% de leurs produits (voir le dossier). Or comme il faut beaucoup de temps (voire des années) pour développer et tester de réelles innovations qui révolutionnent un marché, bien souvent ces "nouveautés" ne sont que des améliorations des produits existants : nouvelle texture ou parfum, nouvelle présentation, nouvelles teintes, nouveau packaging... 

La recherche et le développement de nouveaux produits coûtant très cher, de nombreuses marques n'ont pas leurs propres laboratoire et font donc appel à des sous-traitants plus ou moins spécialisés. Ainsi pour une même marque, par exemple la marque d'une enseigne de parfumerie (pour ne citer personne), on a aura plusieurs sous-traitants pour le maquillage (rouge à lèvres, vernis, etc...), un autre pour les soins, un autre pour le bain, un autre pour les accessoires, etc... Pour rentabiliser son activité, chaque sous-traitant va travailler à partir d'un produit de base qu'il adaptera en fonction des demandes des entreprises qu'il fournit. Ce qui veut dire qu'au final, il est possible que notre marque de parfumerie vende presque les mêmes produits que d'autres marques plus ou moins connues. La différence se fera par exemple sur l'aspect, le packaging du produit et parfois du dosage des principes actifs mais il est souvent compliqué pour le consommateur de pouvoir comparer clairement ces informations. D'où la nécessité de tester soi-même ou de consulter les avis d'autres personnes via les blogs par exemple.

Enfin, certains grands groupes possèdent des marques de luxe et des marques grand public, et procèdent de la même façon pour décliner les "innovations" sur leurs différentes marques : il ne vous aura pas échappé que chez L'Oréal on retrouve presque systématiquement les versions grand public des innovations Lancôme.

Plusieurs fois des tests de produits réalisés par des associations de consommateurs ont démontré que des produits de distributeurs par exemple étaient plus efficaces ou équivalents à d'autres beaucoup plus chers (pour info, je ne l'ai pas lu, mais le n° de mai 2012 de 60 millions de consommateurs fait un comparatif des crèmes anti-cellulite). De même, sur les blogs beauté, on lit régulièrement des avis qui démontrent que des marques à petits prix comme Kiko par exemple peuvent rivaliser sans complexe avec les plus grandes (personnellement j'ai testé avec les vernis, et maintenant sauf gros coup de coeur, entre un Kiko à 1,5 voire 4€ et un vernis de marque sélective à 22€, mon choix est souvent vite fait).


Nocibé, gamme bain*


3. Qu'est-ce qui fait la valeur d'un produit : ou quand le marketing rentre en scène.

Un produit ou service est censé répondre à un besoin plus ou moins utile (se faire plaisir est utile ;-) mais pas que. Un des rôles du marketing est de faire vivre une expérience au consommateur à travers l'achat et l'utilisation d'un produit. Une des marques qui a le mieux compris cela, est la célèbre marque à la pomme (demandez aux fans d'AilPhone et autre AilPad) qui a réussi à développer une relation unique avec ses "disciples" ;-) et à raconter une histoire qui balaie presque toutes les controverses. Dans le monde de la beauté et du luxe, l'importance du story telling (raconter une histoire) est énorme.

Quand on achète ses produits de beauté en grande distribution, le "conditionnement" des parfumeries essentiellement axé sur le plaisir disparaît : on est dans une démarche plus utile et de recherche de prix attractifs (je fais mes courses et au passage j'en profite pour m'acheter un nouveau rouge à lèvres), on est souvent pressé et cerné par le bruit.

A l'inverse, quand je fais la démarche d'aller en parfumerie pour m'acheter des produits, l'atmosphère, le merchandising du magasin, la musique, etc... sont finement étudiés (marketing sensoriel, neuro marketing...) pour que je puisse m'offrir un moment "rien qu'à moi" pendant lequel je vais prendre le temps de choisir, tester, je vais pouvoir être conseillée (enfin, ça, ça dépend...), et si je dépense "suffisamment", j'aurais même droit à des échantillons et un ou des cadeau(x). Le concept des cadeaux pour récompenser les achats est très bien trouvé pour faire oublier la "maltraitance" subie par la carte bleue et pour fidéliser et c'est pourquoi pratiquement toutes les marques de cosmétiques et enseignes de beauté l'utilisent.

De plus, en parfumerie, le client a aussi accès à un univers qui n'est pas forcément le sien, le luxe, et dans cet endroit il peut s'offrir un peu de ces marques qui font rêver : une palette Dior est bien plus abordable qu'une robe du même nom et permet déjà de tisser un premier lien avec la marque. Quand une cliente s'offre cette palette, plus que du maquillage, elle se fait plaisir en s'offrant un bel objet (ah les packaging de Dior, même vides on les garde, pas vous ?) qui répond aussi à un besoin de se valoriser et se rassurer (= "moi aussi je peux m'acheter du Dior"). Et quoi qu'on en dise, quand une copine demande : "Oh, il est magnifique ton maquillage, c'est quoi ?" il y a toujours une pointe de fierté à répondre le nom d'une marque de luxe (ose me dire que ce n'est pas vrai ?...)

Cet environnement qualitatif et la communication qui valorise les produits et les clients ont bien évidemment un coût répercuté sur les produits (nuance pour le n°1 L'Oréal dont les volumes des ventes permet d'amortir ces coûts tout en continuant à vendre à des prix qui restent accessibles avec les marques L'Oréal et Gemey).

Pour les marques vendues en parapharmacie, l'environnement est certes différent, mais les produits bénéficient de l'image des laboratoires qui les développent ainsi que de celle des pharmaciens et de la qualité supposée de leurs conseils.

Dior Garden Clutch, printemps 2012*


Voilà, je crois que je vous ai tout dit, et j'espère que celles qui jusqu'à présent ne se fiaient qu'à l'image des marques feront de belles découvertes en osant explorer d'autres univers.




*crédits photos : Sephora.fr et  marques mentionnées.