J'ai testé pour toi : l'hospitalisation en urgence.

(Comme ça toi aussi tu sauras). Non, je n'ai pas été engagée (et donc pas payée non plus, dommage) par Enquête Exclusive pour te faire un énième reportage sur les coulisses des urgences. J'ai juste testé pour de vrai et sans sponsor (non, tu ne trouveras pas de lien vers une bonne mutuelle ou une clinique privée dans ce post). C'était ma première hospitalisation, et vu que ça peut arriver à tout le monde, me suis dit tant qu'à faire, autant faire profiter  de cette expérience aux autres. Et si en même temps on rigole un peu, tant mieux : ça aide à guérir plus vite ! 

Mercredi dernier, j'ai rendu service à une connaissance, et en rentrant, j'ai voulu prendre mon bus. Sauf qu'au lieu de monter dedans, ben je suis passée en dessous.

C'est pas pareil.


Source : Eown sur La Fraise 




L'accident.

Tout s'est passé très vite, je n'ai pas eu le temps de réaliser, je me souviens juste avoir frappé à la porte du bus pour qu'il m'ouvre, je pensais qu'il m'avait vue mais non, il était en train de démarrer, ne s'est pas arrêté et tout d'un coup je sens que je suis traînée sous le bus, heureusement j'ai ma doudoune qui me retient et me protège. Quand il s'arrête enfin, je me mets à ramper pour sortir, je suis un peu à l'ouest, mais je tiens fermement mon sac à main contre moi (pas folle la guêpe...).

Un monsieur vient m'aider à m'asseoir sur le bord du trottoir et moi je ne comprends toujours pas. Je sens que j'ai quelque chose au pied, j'enlève ma botte en daim, les coutures ont lâché et mon pied est tout gonflé, quelques belles égratignures, un peu de sang, et je ne peux pas bouger la moitié de mes orteils. Le chauffeur vient me voir, il est très gentil avec moi, et me rassure en me disant que vu mon pied il ne pense pas m'avoir roulé dessus. Moi aussi je lui dit que je n'ai pas senti la roue. Les autres passagers du bus descendent et m'entourent, et moi, bien embêtée, je n'arrête pas de dire que je suis désolée (oui, j'aime pas déranger, et là, je bloque tout un bus, je me sens trop mal à l'aise, je n'ai pas l'habitude d'attirer l'attention comme ça).

Un autre homme vient à côté moi, il me dit aussi que ça n'a pas l'air grave, que ça va aller, il me propose son écharpe noire pour mettre autour de mon pied et je n'arrive qu'à refuser : "Non c'est gentil, je ne veux pas la salir, laissez, je vais prendre la mienne" (qui est beige. No comment). J'ai la sensation que mon pied est pris dans un étaux, mais je ne sens pas de douleur vive, en fait je ne comprends pas ce qui m'arrive, c'est comme si je vivais la scène de l'extérieur. 

Je pense quand même à prévenir ma famille pour dire que j'ai eu un petit accident. Mon smartphone n'a presque plus de batterie, je le hais. Le chauffeur a appelé les pompiers, en 10 min à peine ils sont là, et eux aussi me disent que je n'ai rien, quelques points de suture devraient suffire. Ils essaient de me détendre en plaisantant pendant le trajet, et moi je suis inquiète parce qu'entre temps mon pied commence à mettre du sang partout dans leur camion et qu'il va falloir nettoyer (Bree sort de ce corps !)


L'arrivée aux urgences (la patience à rude épreuve).

Quelques minutes plus tard, j'arrive aux urgences, je suis tout de suite prise en charge, on m'ausculte rapidement, on me donne des anti-douleur, et j'atterris sur un brancard dans un couloir. Ce couloir c'est la cour des miracles : des personnes âgées partout, elles sont toutes pâles, c'est vraiment flippant. Un vieil homme à moitié bourré crie pendant des heures pour qu'on le détache de son brancard. Je vais devoir l'écouter brailler de 21h jusqu'à ce que je quitte le couloir à 2 h du matin. J'ai l'impression de vivre une scène du livre "Vol au-dessus d'un nid de coucou". Coup de cafard.

Entre temps, ma famille encore plus inquiète que moi vient me voir rapidement, mais on ne les laisse pas plus de 10 minutes à mes côtés. Je passe ensuite entre les mains de 2 élèves qui sont chargées décrire mon état : ça va être dur, elles ont du mal avec l'anatomie du pied (un cours qu'elles sont séché ?). Cool. Ce sont elles qui m'expliquent que ce qui m'est arrivé est assez grave car vu mon état, elles pensent que le bus m'a roulé dessus. Moi qui pensais rentrer vite fait chez moi, je prends un second coup au moral (et ma deuxième démarque des soldes alors ? Et mes escarpins rouges ! Et mes projets pour ce début d'année ?). Mais ce qui me fait le plus peur, c'est quand l'une d'elle découvre que j'ai une grosse plaie entre le gros orteil et le second, et que celle-ci ne veut pas arrêter de saigner. Elle me dit de ne pas m'inquiéter mais vu sa tête... Difficile de faire moins rassurant. Donc je stresse encore plus.

Je vois enfin un premier vrai médecin qui confirme l'écrasement, puis un infirmier, un chirurgien, très gentils mais qui me reposent tous à chaque fois les mêmes questions, je fais des allers-retours entre le couloir, les salles d'exam et la radio, on me fait plusieurs fois des pansements, jusqu'à 2h du matin. J'ai l'impression d'être un paquet ("Attendez, on va venir vous chercher"). La radio révèle que j'ai une fracture au niveau des métatarses. On m'explique qu'il va falloir me garder en observation 24 / 48h, qu'on va explorer ma plaie sous anesthésie le lendemain, et que si nécessaire on me posera aussi une plaque dans le pied.

Je suis fatiguée, je n'ai rien mangé depuis mon déjeuner, j'ai froid (les couloirs sont de vrais courants d'air). Et mes orteils qui ne veulent toujours pas écouter mon cerveau. J'ai beau essayer de les remuer, que dalle. L'infirmier m'a expliqué que je peux laisser mes papiers importants dans le coffre des urgences. Je lui demande plusieurs fois, il me dit qu'un collègue va venir. J'attends.


Enfin dans une chambre.

Quand on me transfère enfin dans une chambre, je demande à qui il faut que je donne mes papiers pour les mettre dans le coffre. Réponse : "Mais pourquoi vous ne les avez pas donnés aux urgences ? Ce sont eux qui s'en occupent"..... Ils appellent le responsable, j'attends encore une heure avant qu'il n'arrive (après avoir sonné une seconde fois l'infirmière, car il m'avait oubliée). Il est 3h du matin quand je peux enfin fermer l'oeil. Ou pas. Ma voisine scie du bois. J'ai tiré le gros lot ce soir : j'ai tous les numéros dans l'ordre pour passer une soirée pourrie. En plus je ne me suis même pas démaquillée. Heureusement, je ne souffre pas trop grâce aux médocs qu'on me perfuse à intervalles réguliers.


Le premier réveil, la première douche à la Bétadine.

Je viens à peine de m'endormir, qu'on me réveille déjà : il est 6h. J'ai la tête encore dans la Lune, les yeux ont du mal à s'ouvrir. On regarde mes jambes pour voir s'il faut les raser, moi je suis gênée parce que je suis entre deux épilations mais pour eux c'est suffisant. Malgré tout, je me sens trop mal à l'aise, je ne vois que ça, ces bouts de poils qui dépassent. L'aide-soignant m'explique qu'il m'emmène à la douche, j'ai peur qu'il me lave, alors quand il me laisse à l'entrée avec les serviettes, gants, Bétadine, etc... en me demandant si je vais réussir à me débrouiller seule je suis rassurée. Sauf qu'il faut que j'arrive à retirer ma "blouse" de malade alors que j'ai deux perfs dans le bras. Je me tortille dans tous les sens, je m'emmêle les tuyaux, mais j'arrive à gérer le tout sur un pied. La classe. Je commence à me doucher avec la Bétadine.

La Bétadine, c'est le mal. Ca sent mauvais, ça t'assèche les cheveux, ça te décape la peau et ça crame tes lèvres.

Toute la journée je vais avoir les lèvres gercées avec des crevasses, la torture. Ma peau me tire, c'est super désagréable. Mes cheveux ressemblent à une éponge pour récurer les marmites. On m'a fait aussi retirer mon vernis avec un dissolvant qui a ruiné tous mes efforts entrepris pour sauver mes ongles. Mais le pire du pire, c'est qu'on ne peut mettre ni baume pour les lèvres, ni crème, ni déo. Et donc non seulement t'es super moche (avec les cernes, le démaquillage des yeux approximatif, sans fond de teint et la peau sèche) mais en plus il va falloir redécouvrir la vie sans déo, à la Cro-Magnonne. Et mélangé avec l'odeur de la Bétadine, de la blouse médicale synthétique, et de tous les médocs qu'on m'envoie en perf dans le sang, c'est que que du bonheur. Un grand cru de parfumerie. Mmm, humez et sentez la nature.

Mon niveau d'estime de moi doit frôler le -100%.


On vous opère aujourd'hui (paroles, paroles, paroles).

Le chirurgien passe me voir et me dit que je passe au bloc aujourd'hui (jeudi), je suis contente, comme ça maximum  vendredi je suis à la maison et je pourrai regardant Koh-Lanta en papotant sur Twitter avec Lyl et Spencer. Je vois l'anesthésiste. Je revois le chirurgien qui revient avec son chef et une flopée d'internes (comme dans Scrubs). La matinée passe. A chaque fois qu'une infirmière vient je demande si c'est toujours ok pour le bloc et on me répond que oui, et si ça se trouve on me descendra le soir. Je reste donc encore à jeun toute la journée. Ma voisine de chambre qui est très gentille et habituée aux urgences (elle s'est cassée plein de trucs) me dit qu'il y a peu de chance que je passe aujourd'hui, mon cas n'est pas assez grave. Mais moi je garde espoir.

Elle a mis la TV pour s'occuper, sauf qu'elle regarde BFM, et ça me déprime : toutes les 10 min un flash "On vous confirme de source sûre qu'on ne sait pas combien de français auraient été pris en otage sur le site gazier en Algérie". Je découvre que je déteste les chaînes d'infos en continue. Mon téléphone me manque : pas de messages, pas d'internet, le sevrage est brutal. Je lis et relis le Glamour que j'avais dans mon sac, je connais par coeur les prochaines tendances. 

Je passe la journée à moitié endormie, j'ai des heures de sommeil à rattraper. Dans la chambre d'à côté une femme crie toute la journée, elle aussi est attachée à son lit, je rêve qu'on lui scotche la bouche. Mon père passe me voir. Et c'est le soir que j'apprends que finalement je ne passerai pas au bloc aujourd'hui. On m'apporte à manger, je n'ai pas d'appétit. Le ciel gris, la neige épaisse, j'étouffe. Je veux rentrer chez moi. Depuis mon adolescence, je n'avais jamais eu un coup de blues aussi brutal et profond. Je me sens immensément triste, je n'ai qu'une idée en tête : je veux rentrer chez moi. Je m'endors en pleurant.

Le lendemain matin, lever à 5h45. Re-la douche à la Bétadine. Re-peau toute sèche plus bonnet sur la tête (potentiel glam : -1000). Quand je reviens de la douche, ma voisine a allumé la lumière, elle a envie de parler. Papotage matinal. Je lui dis que je vais craquer, je ne peux pas rester allongée dans un lit sans rien faire, ça me donne le bourdon. Elle me répond de ne pas me laisser faire et d'insister pour me faire opérer aujourd'hui sinon je vais rester là jusqu'à lundi. Quand le chirurgien vient contrôler mon pied dans la matinée,  mon bonnet sur la tête, je le "supplie" de m'opérer, je suis en train de déprimer. Conséquence: quelques minutes plus tard l'infirmière me donne 2 cachets qui m'assomment : je ne vais plus poser de questions. En début d'après-midi ma voisine quitte l'hôpital, je me retrouve toute seule dans ma chambre, j'ai encore envie de pleurer. 


Le bloc opératoire.

Dans l'après-midi, on vient enfin me chercher pour le bloc. Je suis heureuse, c'est dingue. Tellement, que mon appréhension de l'opération a presque disparu. Si je pouvais je sauterais de joie (à cloche pied). Quand j'arrive dans la file d'attente du bloc, je vois mon chirurgien, il a un masque mais je reconnais ses yeux, je suis tout sourire. Il vient vers moi et je lui dis "Vous n'imaginez même pas à quel point je suis heureuse d'être là. Je ne pensais jamais dire ça un jour, mais je suis contente d'être enfin au bloc". Gentiment, il me refroidit : "Normalement c'est bon, mais vous savez parfois on peut remonter le patient au dernier moment". Casseur de rêves.

Quand on attend pour le bloc on découvre que les docteurs pratiquent un truc qu'ils aiment beaucoup : ils viennent te voir chacun à leur tour, ils prennent ton dossier et ils te posent tous les mêmes questions. T'as l'impression d'être une Madame Tchang dans un épisode de Pékin Express (si tu sais, il y a toujours un moment où les participants doivent aller poser des questions à une personnalité locale) : "Et comment vous vous appelez ? votre date de naissance ? des allergies ? des problèmes de santé ? pourquoi vous êtes ici ?..." Je crois que le premier qui te fait craquer gagne un menu sushi complet au japonais du coin.

Une fois mon tour arrivé, on m'emmène enfin dans le bloc, la salle est immense, il fait froid, les médecins n'arrêtent pas de faire des blagues, ce n'est pas trop rassurant quand tu sais que tu leur confies ta vie. J'ai opté pour l'anesthésie générale, je ne veux pas les entendre. Sauf qu'on ne m'endort pas comme ça. Le produit prend une éternité avant d'agir.


La salle de réveil, le retour dans ma chambre.

J'entends des voix, j'ai la tête qui tangue alors que je suis couchée, j'ai l'impression de descendre d'un manège, j'ai beau fermer les yeux, la sensation ne disparaît pas, c'est insupportable. Même quand on me remonte dans mon lit, j'ai toujours cette impression de vertige, de tomber dans le vide, je ne me sens vraiment pas bien. En bougeant ma jambe je découvre un plâtre qui pèse très lourd et qui monte jusqu'à mon genou. Mon pied est calé à angle droit à l'intérieur, c'est pas naturel comme position. 

J'ai droit à ma première piqûre contre les phlébites, l'infirmière me fait super mal à la cuisse. On me dit que si tout va bien je sors le lendemain (samedi), mon chirurgien passe me voir à nouveau, je lui dis que le plâtre est bien lourd, il me répond que c'est mieux ce genre de plâtre et que je vais devoir le garder 6 semaines. Ah ouai quand même. Je vais devoir faire des pansements 3 fois par semaine pour ma plaie entre les orteils, des piqûres pendant 45 jours, et qu'il faudra aussi que je repasse pour qu'on m'enlève les fils. Le bon côté des choses c'est qu'on ne pas posé de plaque et que je sors le lendemain. Petit à petit les sensations d'engourdissement au niveau du pied ont disparu et j'arrive même à bouger timidement mes orteils.

Je touche à peine au dîner qu'on m'apporte, les médicaments me coupent l'appétit. J'ai du perdre plusieurs kilos depuis que je suis arrivée, si j'avais su que je ferais ce régime forcé, je me serais encore plus lâchée sur les chocolats pendant les fêtes !

Comme je viens de me faire plâtrer, je n'ai pas le droit de me lever. Donc pour faire pipi, c'est le bassin dans le lit (et vu tous les antibiotiques qu'on te balance dans le corps en prévention, hum...). Je déteste. Surtout quand les infirmières font le va et vient dans la chambre. La nuit j'essaie de trouver une position confortable mais ce n'est pas évident. Et dès le lendemain matin, interdiction ou pas, je me lève en douce et je clopine jusqu'aux toilettes pour faire pipi comme une grande. Un peu de dignité, ça ne fait pas de mal. Enfin si. Comme j'ai bougé, la douleur est descendue dans mon pied, mais tant pis, mon honneur est presque sauf. On me donne une bassine pour ma première toilette au lit. Quel bonheur, je vais pouvoir me laver avec du vrai  savon ! J'avais gardé ma crème pour les mains, je me tartine le corps avec, je découvre qu'en fait elle sent divinement bon ! Un peu de baume à lèvres et je me sens revivre !

J'ai encore relu mon Glamour pour la 10ème fois, je m'ennuie à mourir, alors je fais des vanilles dans mes cheveux, sans brosse, sans peigne, mais avec plein de noeuds (vive la Bétadine !). Quand le chirurgien vient me voir pour la sortie, je suis presque bien coiffée, j'ai mis mon baume, j'ai récupéré mon pull, je suis dans les starting blocks. Mes proches arrivent enfin avec quelques affaires pour m'habiller. Il ne reste plus qu'à récupérer mes papiers et ma CB dans le coffre des urgences. Mais là surprise : "Mais on ne vous a pas dit que c'est fermé tout le week-end ? Il faudra les récupérer lundi."





Privée de CB jusqu'à lundi ? 
Je suis sûre que ma banque était dans le coup.




Depuis hier soir, je fais mes piqûres toute seule et sans me faire mal, par contre mon plâtre me gratte, ça me rend folle. Allez, plus que 6 semaines à tenir.