Blogueuse, oui. Cynique et égocentrique, non merci.

Web mon mardi ! Voilà quelque chose qui me tourne en boucle dans la tête depuis des mois. A chaque fois je repousse, je dis "la semaine prochaine", j'essaie d'oublier, de me trouver des excuses pour esquiver mais rien à faire. J'aimerais trouver les mots justes et le bon angle, mais je ne suis jamais satisfaite de mon brouillon alors tant pis, aujourd'hui je me lance, au moins ce sera sorti.

Désolée ce post sera long et même pas drôle.


Image Pinterest, pas d'info sur la source...


Quand je suis arrivée sur la blogosphère il y a deux ans et demi, j'ai été frappée par quelque chose que je n'avais jamais vraiment connu dans la vraie vie avant : l'esprit d'entraide et de générosité des blogueuses. Car IRL, j'ai souvent été le bisounours égaré dont pas mal de personnes ont profité, alors tout d'un coup me retrouver au milieu de toute une communauté avec plein de filles qui me ressemblent a été un vrai bonheur (même si la blogo a aussi ses teignes, on ne peut pas le nier) : des filles qui donnent un coup de main aux autres, qui s'indignent, qui publient des posts pour dénoncer des injustices, des filles même un peu rebelles parfois.

A la création de mon blog je voulais surtout parler de mode, car les vêtements sont ma passion (les chaussures et les sacs aussi, on ne va pas faire de jaloux). En plus comme je suis une pro des petits prix et des bonnes affaires, je voulais aussi montrer que c'était possible d'être élégante avec un tout petit budget. Et donc je vous ai souvent tentées en vous montrant les tonnes de fringues que j'achetais avec quelques dizaines d'euros et je vous ai relayé toutes les promos qui me passaient sous le nez. Et puis vous avez dû remarquer que je l'ai fait de moins en moins souvent (sauf pour les ventes solidaires), et que les hauls mode sont devenus de plus en plus rares.

Parce que presque sans le voir, il y a quelque chose qui a changé. Et quand je m'en suis rendu compte, j'ai eu du mal à y croire tellement ça ne me ressemblait pas. Oui pour la première fois de ma vie, je n'ai acheté aucun vêtement pendant les soldes de cette année. Ni en janvier, ni en été. Et sur toute cette année, en dehors de 3 vêtements reçus grâce à un partenariat, je n'ai acheté que deux tops et un manteau (les 3 achetés en friperie).

Pourquoi ? Parce que je ne peux pas continuer à fermer les yeux et faire semblant de ne pas savoir. Je ne peux pas continuer à faire la schizophrène.

Je ne peux pas d'un côté défendre un modèle où l'humain serait remis au centre de l'entreprise, de l'économie et de l'autre encourager le contraire. Parce que quand je me précipite sur le premier top à 10€ juste pour me faire plaisir c'est ce que je fais. Et c'est que que nous faisons toutes sciemment, puisque aujourd'hui après tous les drames que les médias nous ont relayés en boucle, personne ne peut encore dire qu'on ne sait pas dans quelles conditions nos vêtements sont produits.

En France on adore s'accrocher à notre système social, personne ne veut lâcher ses 35h avec RTT, personne ne veut travailler en dessous du SMIC, on réclame des conditions de travail décentes où on ne mettra pas notre santé en danger, on a des congés maladie, des congés pour profiter de nos loisirs... On se plaint du made in China qui soit-disant nous envahit et détruit notre industrie, mais en fait nous ne sommes pas prêts à payer les choses au prix juste, car alors il faudrait nous priver parfois, arrêter de consommer autant comme nous en avons pris  l'habitude.

Mais à quoi ont droit les autres travailleurs alors ? Ceux qui habitent du "mauvais" côté du globe ? Est-ce que notre narcissisme justifie le fait que des Ethiopiens triment comme des esclaves "payés" 23€ par mois pour qu'on puisse acheter des fringues qu'on portera juste quelque fois, le temps que la tendance passe ? Des vêtements qui viendront s'ajouter à tous ceux qu'on ne porte déjà pas et qui s'empilent dans nos armoires ?

Est-ce que satisfaire notre avidité de nouveautés justifie le fait que dans des pays tels que le Bangladesh les ouvriers pataugent dans des produits nocifs sans aucune protection pour nous produire du cuir à bas prix ? Est-ce que notre désir de paraître est plus important que le droit à ses populations de vivre dans des environnements sains avec de l'eau et de l'air non contaminés par toutes sortes de poisons ?

Alors bien sûr, on peut continuer à déculpabiliser en se disant que c'est l'affaire des politiques et qu'ils vont régler tout ça.

Ah ah. C'est du cynisme ou de la naïveté ?

Je crois qu'aujourd'hui plus que jamais les citoyens n'ont plus le pouvoir de changer les choses avec un vote, car le pouvoir économique ne se trouve plus dans les mains des politiques depuis bien longtemps. Par contre le consommateur, lui, le peut avec son porte-monnaie (même s'il est de moins en moins rempli). On peut choisir de consommer moins et mieux pour encourager les marques qui font l'effort de respecter leurs consommateurs et leurs employés. Car il faut arrêter de se voiler la face, nous savons très bien que la plupart de nos enseignes chouchous et tellement adulées sur la blogosphère n'ont qu'un seul objectif : vendre toujours davantage et payer toujours moins leurs sous-traitants. Et la crise n'a fait qu'augmenter la pression sur les fournisseurs. Et je ne parle même pas des boutiques Ebay chinoises que les blogueuses se refilent pour avoir des contrefaçons de Zara à bas prix...

On pourrait continuer à faire les égoïstes et dire que cela ne nous concerne pas. Mais quand ces marques nous trompent en nous vendant des chaussures estampillées "made in Italy" mais produites en Asie dans des conditions catastrophiques avec des produits qui peuvent nous donner des allergies comme le chrome VI, vous dites quoi ? Et que dire de ces marques parisiennes hype de mauvaise qualité qui coûtent un bras et qui produisent leurs vêtements en Chine comme tout le monde ? Et les marques de chaussures "haut de gamme" à 200€ la paire mais qui sous-traitent en Afrique à des tarifs de misère ?

Je ne pense pas que ces marques qui nous méprisent autant (car penser d'abord à leurs profits au point de sacrifier la santé de leurs consommateurs et de leurs employés, si ce n'est pas du mépris, je ne sais pas ce que c'est) méritent toute la pub gratuite (ou non) que nous blogueuses nous leur faisons.

Alors je sais bien que tout le monde n'a pas les moyens de payer une chemise made in France à 80€, mais il faudrait peut-être apprendre aussi à consommer autrement ? Peut-être moins mais mieux ? Peut-être oser les occasions ou le troc (c'est moins cher et plus écolo) ? Apprendre à coudre ? Se tourner vers des petites marques moins à la mode mais qui ont une vraie éthique et qui font moins de marges ?

De mon côté, je me suis dit que puisque j'avais déjà tenu presque un an sans acheter de vêtement, peut-être que je pourrai tenir une année de plus ? Régulièrement dans mes affaires je trouve des choses toutes neuves qui ont pourtant 1, 2 ou 3 ans. J'ai été tellement shopping addict pendant des années que je n'ai plus de place. Alors oui, en dehors des jeans et des sous-vêtements qui s'usent vite, je vais peut-être réussir à tenir un an de plus. Ce ne sera certainement pas facile car si un an ça va, deux ans ça commence à faire long, mais j'ai envie de me lancer ce défi, et puis ça m'évitera de culpabiliser à chaque fois que je verrai "fabriqué en Ethiopie" sur une étiquette. Et puis au lieu d'acheter de nouveaux vêtements, je pourrais faire autre chose avec cet argent : lancer quelques projets que j'ai en tête, aller dans des pâtisseries avec des copines, faire un don à une ONG... Oui, j'ai du mal à le dire, mais on dirait bien que je suis en train de me lancer dans un no-buy vestimentaire...


Ma prise de conscience a pris du temps, mais aujourd'hui j'ai besoin d'agir plus en accord avec mes convictions, ce qui veut dire de façon moins superficielle, cynique et égocentrique.



NB : comprenez bien mon propos, il s'agit d'une démarche personnelle, et je n'appelle pas au boycott, car malgré la dureté des conditions de travail, dans certains pays sans l'industrie de la mode une grande partie de la population crèverait tout simplement de faim. Et le monde est ainsi fait que dès que les conditions de vie d'un pays s'améliorent, à cause des coûts de production qui augmentent en parallèle, aussitôt les marques "rapaces" le quittent pour trouver de la main d'oeuvre moins coûteuse ailleurs. C'est ainsi qu'une partie du textile s'est délocalisé de la Chine vers le Bangladesh, puis à cause des morts dans les usines surchargées, l'Ethiopie et l'Erythrée sont devenus les nouveaux eldorados de l'exploitation humaine au nom de la mode. Donc puisque vous êtes de grandes filles, à vous de voir avec votre conscience, soyez curieuses, informez-vous, et j'espère que vous trouverez une forme d'action en accord avec vos principes, votre budget et qui vous convienne.



Un grand merci à Stelda avec qui j'échange 
régulièrement sur ce sujet.

Encore désolée pour ce pavé pas super bien écrit, mais c'est vraiment quelque chose qui me tient à coeur (j'en parle souvent sur Twitter) et même si je retravaillais mon texte 100 fois, je ne serais pas satisfaite, alors tant pis, j'ai écrit comme c'est venu, après être tombée sur cette citation qui nous remet face à nos responsabilités individuelles :

"Il suffit que les hommes de bien ne fassent rien pour que le mal triomphe", E. Burke.